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tenus ici par ordre de l’autorité supérieure. S’il y avait quelque chose de particulier en Pierre, c’était seulement son air rassuré, concentré et pensif et son français qu’il parlait très bien. Malgré cela, le même jour on joignit Pierre aux autres suspects arrêtés, car la chambre qu’il occupait faisait défaut à l’officier.

Tous les Russes détenus avec Pierre étaient des hommes de conditions inférieures, et tous s’écartaient de lui, d’autant plus qu’il parlait français. Pierre, avec tristesse, entendait les railleries sur sa personne.

Le lendemain soir, Pierre apprit que tous les détenus (lui du nombre probablement) devaient être jugés comme incendiaires.

Le troisième jour, on emmena Pierre et les autres dans une maison quelconque où étaient assis un général français à moustaches blanches, deux colonels et d’autres Français, des écharpes aux bras. On posa à Pierre et aux autres, avec cette précision qu’on apporte à l’interrogatoire des accusés, les questions suivantes : Qui êtes-vous ? Où étiez-vous ? Dans quel but ? etc., etc.

Ces questions — laissant de côté l’essence même de l’affaire et même écartant la possibilité de la découvrir —, comme toutes les questions posées devant les tribunaux, n’avaient d’autre but que de poser ces tuyaux par lesquels ceux qui jugent désirent faire couler les réponses des accusés et les