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est-ce que tu n’écriras pas à Nicolas ? — Sa voix était basse, tremblante, et dans le regard de ces yeux fatigués qui la regardaient à travers des lunettes, Sonia lut tout ce que la comtesse voulait exprimer par ces paroles. Ce regard exprimait la prière et la peur du refus, la honte de prier, et, toute prête, une haine invincible en cas de refus. Sonia s’approcha de la comtesse, se mit à genoux et lui baisa la main.

— J’écrirai, maman, dit-elle.

Sonia était radoucie, émue, attendrie par tout ce qui s’était passé ce jour, surtout par cette coïncidence mystérieuse avec la prédiction qui venait de se révéler. Maintenant qu’elle savait que Nicolas ne pourrait épouser la princesse Marie, à cause du renouvellement du lien entre le prince André et Natacha, elle sentait le retour de cet état de sacrifice auquel elle était habituée et dans lequel elle aimait vivre. Les larmes aux yeux, avec la conscience joyeuse de l’acte généreux accompli, s’interrompant plusieurs fois à cause des larmes qui remplissaient ses yeux noirs veloutés, elle écrivit cette lettre touchante dont la réception frappa tant Nicolas.