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ce que les autres trouvaient bon l’était réellement, maintenant, après une lutte courte mais franche entre la tentation d’arranger sa vie selon sa raison et la soumission docile aux circonstances, il choisit le dernier parti et s’abandonna à ce qui l’entraînait (il le sentait) irrésistiblement. Il savait qu’après la promesse faite à Sonia, avoir une explication avec la princesse Marie serait ce qu’il appelait une lâcheté, et il savait qu’il ne commettrait jamais une lâcheté, mais il savait aussi (non seulement il le savait, mais au fond de son âme il le sentait) qu’en s’abandonnant maintenant au pouvoir des circonstances et des personnes qui le guidaient, non seulement il ne faisait rien de mal, mais quelque chose de très important, plus important que n’importe quel acte accompli par lui jusqu’à ce jour.

Après son entrevue avec la princesse Marie, bien que sa vie extérieure restât la même, tous ses plaisirs d’autrefois perdirent leur charme pour lui. Il pensait souvent à la princesse Marie mais jamais comme il pensait à toutes les demoiselles, sans exception, qu’il rencontrait auparavant dans le monde ; de même il ne pensait pas souvent à Sonia et c’était sans enthousiasme. Comme tous les jeunes gens honnêtes il pensait à chaque jeune fille comme à sa future épouse ; dans son imagination il leur appliquait toutes les conditions de la vie conjugale : la robe de chambre blanche, la femme