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prisonnier. Emmenez-moi, dit tout à coup Pierre en français.

Ah ! ah ! Marchons ! prononça l’officier en fronçant les sourcils.

La foule s’amassait autour des uhlans. Tout près de Pierre était la femme marquée de variole avec la fillette. Quand le détachement se mit en marche, elle s’avança aussi.

— Où, où l’emmène-t-on, ma colombe ? Et où mettrai-je la petite si elle n’est pas à eux ? demanda-t-elle.

Qu’est-ce qu’elle veut, cette femme ? dit l’officier.

Pierre était comme ivre. Son état enthousiaste s’accentua encore à la vue de la fillette qu’il avait sauvée.

Ce qu’elle dit ? Elle m’apporte ma fille que je viens de sauver des flammes. Adieu, prononça-t-il.

Et, ne sachant lui-même comment ce mensonge s’arrachait de ses lèvres, d’un pas ferme et solennel il s’avança entre les Français.

Le détachement de Français était un de ceux envoyés sur l’ordre de Duronnel dans les diverses rues de Moscou pour arrêter les maraudeurs et surtout les incendiaires qui, d’après l’opinion à ce moment, des chefs français, étaient la cause des incendies. Le détachement parcourut encore quelques rues et arrêta cinq Russes suspects : un boutiquier, deux séminaristes, un paysan, un domes-