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de l’état de Moscou et, en général, des questions militaires. Tous sentaient, bien qu’ils ne fussent pas convoqués à cet effet, bien qu’on ne le nommât pas, que c’était le conseil de guerre. Toutes les conversations restaient dans le domaine des questions générales. Si quelqu’un communiquait ou apprenait des nouvelles personnelles, c’était en chuchotant et l’on revenait bien vite aux questions générales. Aucune plaisanterie, ni rire, ni sourire parmi ces gens. Évidemment tous s’efforçaient de se tenir à la hauteur de la situation. Et tous les groupes, en causant entre eux, tâchaient de demeurer à proximité du général en chef (dont le banc formait le centre des groupes) et de causer de façon à être entendus de lui. Le commandant en chef écoutait, parfois il interrogeait sur ce qu’on disait autour de lui, mais il ne se mêlait pas aux conversations et n’exprimait aucune opinion. Le plus souvent, tout en écoutant la conversation d’un cercle quelconque, il se détournait et prenait un air détaché comme s’il ne désirait nullement savoir ce qu’on disait. Les uns parlaient de la position et critiquaient moins la position elle-même que la capacité intellectuelle de ceux qui l’avaient choisie. D’autres prouvaient que la faute datait de plus loin, qu’il fallait accepter la bataille l’avant-veille.

D’autres parlaient de la bataille de Salamanque dont les avait informés un Français en uniforme espagnol, Crossart, qui venait d’arriver. (Ce Fran-