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dance du pouvoir, des projets, des conseils, des menaces, des tromperies, et il est perpétuellement dans la nécessité de répondre aux moindres questions qu’on lui pose et qui toujours se contredisent.

Les savants tacticiens nous disent très sérieusement que Koutouzov, beaucoup avant Fili, aurait dû pousser les troupes sur la route de Kalouga et que même quelqu’un l’avait proposé. Mais dans les moments difficiles, le commandant en chef n’entend pas qu’un seul projet, il en a toujours des dizaines à la fois et chacun, basé sur la stratégie et la tactique, contredit les autres. Il semble que le commandant en chef n’ait qu’à choisir un de ces projets, mais il ne peut même faire cela. Les événements et le temps n’attendent pas. Supposons, par exemple, que le 28 on lui propose de passer sur la route de Kalouga ; mais en ce moment arrive l’aide de camp de Miloradovitch qui demande de la part de celui-ci s’il faut engager une action immédiate avec les Français ou reculer ? Il doit, sur l’heure, donner un ordre, et l’ordre de reculer nous éloigne de la route de Kalouga.

Après l’aide de camp, le chef de la manutention demande où il faut conduire les vivres, et le chef des hôpitaux où il faut mener les blessés, et l’envoyé spécial de Pétersbourg apporte une lettre de l’empereur qui n’admet pas la possibilité d’abandonner Moscou, et le rival du commandant en chef, celui