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En écoutant les récits du capitaine, comme il lui arrivait souvent tard le soir et sous l’influence du vin, Pierre entendait tout ce que disait le capitaine, comprenait tout et en même temps suivait le fil de ses souvenirs personnels qui se présentaient à son imagination. Pendant qu’il écoutait ces récits d’amour, son propre amour pour Natacha, tout à coup, se rappelait à lui et, cherchant dans son imagination les images de cet amour, il les comparait aux récits de Ramballe. En suivant le récit de la lutte du devoir et de l’amour, Pierre voyait devant lui tous les moindres détails de sa rencontre avec l’objet de sa flamme, près de la Cour de Soukharevo. Alors, cette rencontre n’avait produit sur lui aucun effet, il n’y avait pas pensé une seule fois, mais maintenant elle lui semblait pleine d’importance et de poésie.

— « Pierre Kyrilovitch, venez ici. Je vous ai reconnu. »

Il entendait maintenant les paroles qu’elle avait prononcées. Il voyait son sourire, sa toque de voyage, la mèche de cheveux… et, de tout cela, quelque chose de touchant, d’attendrissant se présentait à lui.

Après avoir terminé son récit sur la charmante Polonaise, le capitaine demanda à Pierre s’il avait jamais éprouvé un sentiment de sacrifice de soi-même pour l’amour et d’envie pour le mari ?

Provoqué par cette question, Pierre releva la tête