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bianka, Pokrovka. D’autres campèrent dans les rues Vosdvijenka, Znamenka, Nikolskaïa, Tverskaïa. Nulle part ils ne trouvaient les maîtres. Les Français s’installaient non comme dans une ville, au quartier, mais comme dans un camp dispersé par la ville.

Bien qu’affamés et déjà diminués de moitié, à Moscou les soldats français étaient encore en bon ordre. C’était une armée fatiguée, brisée, mais encore redoutable et prête au combat.

Mais ce fut une armée seulement jusqu’au moment où les soldats s’installèrent dans les logis.

Dès que les soldats se répandirent dans les maisons vides et riches, alors aussitôt l’armée disparut pour toujours. Ils ne furent ni des habitants, ni des soldats, mais quelque chose d’intermédiaire qu’on appelle des maraudeurs. Quand cinq semaines plus tard ces mêmes hommes sortirent de Moscou, ils ne formaient plus une armée. C’était une bande de malfaiteurs dont chacun emportait avec soi tout ce qui lui semblait précieux et nécessaire. Le but de chacun, à la sortie de Moscou, ne consistait plus, comme auparavant, à conquérir mais à conserver ce qu’il avait pris. Comme le singe, qui ayant mis la main dans un vase étroit où il a pris une poignée de noix, ne veut pas ouvrir la main pour laisser tomber ce qu’il a pris et par cela se perd, de même les Français, à la sortie de Moscou, devaient fatalement périr parce qu’ils traînaient avec eux tout ce