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compact, noir d’autrefois, au lieu des milliers d’abeilles accolées dos à dos et gardant les plus hauts mystères de la ruche, il voit des centaines d’abeilles, tristes, demi-mortes, endormies ; presque toutes sont mortes et les autres ignorent ce qu’elles gardent et qui n’existe plus.

Une odeur de pourriture et de mort se dégage d’elles. Quelques-unes seulement se remuent, volent paresseusement et se placent sur la main ennemie, n’ayant pas la force de mourir en la piquant. Celles qui sont mortes tombent dans le bas, comme des écailles de poisson. L’apiculteur ferme la ruche, la marque avec la craie et, au moment voulu, la brise et l’écrase.

Ainsi était Moscou quand Napoléon, fatigué, inquiet, les sourcils froncés, marchait de long en large sur le rempart Kamer-Collège, attendant au moins cette convenance extérieure qui, selon lui, était nécessaire : la députation.

Dans les divers coins de Moscou des gens s’agitaient sans raison, par vieille habitude, sans savoir ce qu’ils faisaient.

Quand, avec toutes les précautions possibles, on eut déclaré à Napoléon que Moscou était vide, il regarda le messager de cette nouvelle, et, se détournant, continua de marcher en silence.

— La voiture ! dit-il. Il s’y assit à côté de l’aide de camp de service et partit dans le faubourg.