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tesse. Celle-ci, déjà en costume de voyage, en châle et chapeau, marchait, fatiguée, dans le salon, en attendant ses familiers, afin de s’asseoir, les portes fermées, et de prier avant le départ. Natacha n’était pas là.

— Maman, le prince André est ici. Il est blessé mortellement. Il part avec nous, dit Sonia.

La comtesse ouvrit des yeux effrayés et, saisissant Sonia par la main, regarda derrière elle :

— Natacha ! prononça-t-elle.

Pour Sonia et pour la comtesse, cette nouvelle n’avait d’abord qu’une seule importance. Elles connaissaient bien Natacha et la peur de l’effet qu’aurait sur elle cette nouvelle étouffait en l’une et l’autre toute compassion pour un homme qu’elles aimaient.

— Natacha ne sait rien encore ; mais il part avec nous.

— Tu dis qu’il est blessé mortellement ?

Sonia affirma de la tête.

La comtesse embrassa Sonia en pleurant.

« Les voies du Seigneur sont impénétrables ! » pensa-t-elle en sentant qu’en tout ce qui se passait maintenant se manifestait la main toute-puissante qui auparavant était cachée des regards des hommes.

— Eh bien, maman ! Tout est prêt. Qu’avez-vous ? demanda Natacha en accourant dans la chambre, le visage animé.