Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlant de telles choses qu’elle a pu éveiller, qu’elle a animé, qu’elle a mis sur pied, poussé aux frontières, jeté au milieu des hasards de la guerre, mis en face de la mort une génération tout entière ? Non, messieurs, non ; c’est en parlant de choses plus hautes et plus belles, c’est en parlant de l’amour de la patrie, de l’honneur de la patrie ; c’est en parlant de vertu, de générosité, de désintéressement, de gloire, qu’elle a fait ces grandes choses ; car, après tout, messieurs, soyez-en certains, il n’y a qu’un secret pour faire faire de grandes choses aux hommes : c’est de faire appel aux grands sentiments. (Très-bien ! très-bien !)

Et la propriété, messieurs, la propriété ! Sans doute la révolution française a fait une guerre énergique, cruelle, à un certain nombre de propriétaires ; mais, quant au principe même de la propriété individuelle, elle l’a toujours respecté, honoré ; elle l’a placé dans ses constitutions au premier rang. Aucun peuple ne l’a plus magnifiquement traité ; elle l’a gravé sur le frontispice même de ses lois.

La révolution française a fait plus ; non-seulement elle a consacré la propriété individuelle, mais elle l’a répandue ; elle y a fait participer un plus grand nombre de citoyens. (Exclamations diverses. — C’est ce que nous demandons !)

Et c’est grâce à cela, messieurs, qu’aujourd’hui nous n’avons pas à craindre les conséquences funestes des doctrines que les socialistes viennent répandre dans le pays, et jusque dans cette enceinte ; c’est parce que la révolution française a peuplé ce pays de France de dix millions de propriétaires, qu’on peut, sans danger, laisser vos doctrines se produire à la tribune ; elles peuvent sans doute désoler la société, mais, grâce à la révolution française, elles ne prévaudront pas contre elle et ne la détruiront pas. (Très-bien !)

Et enfin, messieurs, quant à la liberté, il y a une chose qui me frappe, c’est que l’ancien régime, qui sans doute, sur beaucoup de points, il faut le reconnaître, était d’une autre opinion que les socialistes, avait cependant, en ma-