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au sérieux leur rôle. En réalité, la vie publique n’apparaît plus que là où elle ne devrait pas être ; elle a cessé d’être là seulement où, d’après les lois, on devrait la rencontrer. D’où vient cela ? De ce que les lois ont étroitement resserré l’exercice de tous les droits politiques dans le sein d’une seule classe, dont tous les membres, parfaitement semblables, sont restés assez homogènes. Dans un monde politique ainsi fait, on ne peut guère trouver de véritables partis, c’est-à-dire qu’on ne saurait rencontrer ni variété, ni mouvement, ni fécondité, ni vie. Car c’est des partis que ces choses viennent dans les pays libres. Ce sont ces grands partis qui ont donné à la vie publique tant d’éclat et de puissance pendant le cours de notre première révolution. C’est à eux également qu’il faut attribuer le réveil si actif et si fécond de l’esprit public sous la Restauration. Vue de loin et dans son ensemble, on l’a remarqué avec raison, la révolution française de 1789 à 1830 n’apparaît que comme une longue et violente lutte entre l’ancienne aristocratie féodale et la classe moyenne. Entre ces deux classes, il y avait diversité ancienne de condition, diversité de souvenirs, diversité d’intérêts, diversité de passions et d’idées. Il devait y avoir de grands partis : il y en a eu. Mais les événements de 1830 ayant achevé d’arracher définitivement le pouvoir à la première pour l’enserrer dans les limites de la seconde, il se fit tout à coup au sein du monde politique un apaisement auquel les esprits superficiels étaient loin de s’attendre. La singulière homogénéité qui vint alors à régner parmi tous les hommes