Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condaires. Les préfets et les maires sont autant de pouvoirs intermédiaires qui arrêtent les affaires au passage, et les décident, sauf recours. En Afrique, la vie municipale et départementale n’existant pas, tout est régi par l’autorité centrale et doit aboutir tôt ou tard au centre. Les budgets de la plupart de nos communes sont définitivement réglés dans le département ; mais en Algérie, les moindres dépenses locales ne sauraient être autorisées que par M. le ministre de la guerre. A vrai dire, et sauf quelques exceptions rares, tous les actes quelconques de l’autorité publique en Afrique, quelque minimes qu’on les imagine ; tous les détails de l’existence sociale, quelque misérables qu’on les suppose, relèvent des bureaux de Paris. C’est ce qui explique que dans l’année 1846 la seule direction de l’Algérie ait reçu plus de 24,000 dépêches, et en ait expédié plus de 28,000. Quels que soient le zèle et l’activité dont cette direction a fait preuve, et que nous reconnaissons volontiers, une telle concentration des affaires dans le même lieu n’a pu manquer de ralentir singulièrement la marche de tous les services.

Comme un pareil état de choses est profondément contraire aux besoins actuels du pays, il arrive qu’à chaque instant le fait s’insurge, en quelque sorte, contre le droit. Le gouvernement local reprend eu licence ce qu’on lui refuse en liberté ; son indépendance, nulle dans la théorie, est souvent très-grande en pratique ; mais c’est une indépendance irrégulière, intermittente, confuse et mal limitée, qui gêne la bonne administration des affaires plus qu’elle ne la facilite.

Toutes les affaires quelconques qui naissent en Afrique aboutissent au ministère de la guerre ; mais, arrivées là, elles se divisent et s’éparpillent en plusieurs mains. Le fonctionnaire qui guide l’Administration proprement dite, par exemple, reste entièrement étranger à la direction politique et au gouvernement général du pays. L’une de ces deux choses, cependant, ne saurait être bien conduite dans l’ignorance de l’autre. Le pouvoir central de France qui dirige l’Algérie y exercerait une influence plus éclairée et plus grande, si, tout en restreignant sa compétence, on centralisait mieux son action. Si encore les affaires d’Afrique, qui arrivent au ministère de la guerre, n’en sortaient point et y rencontraient leur solution immédiate et définitive, les maux seraient moindres ; moins étudiées, les