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l’article même du gouvernement supposait qu’il en serait ainsi, mais qu’il était immoral et dangereux de reconnaître à des condamnés quelconque un droit au salaire ; que le travail dans les prisons était obligatoire, et que ses produits étaient une indemnité due par les coupables à la société, pour la couvrir des dépenses que leur crime lui occasionnait.

La minorité, envisageant la question sous un nouveau jour, faisait remarquer que le système du code pénal suivi par la Commission de 1840 avait ce résultat d’établir une distinction importante entre les peines, et de permettre de les graduer suivant la gravité des crimes : avantage très-grand que le projet du gouvernement faisait perdre, et qu’il fallait cependant d’autant plus apprécier aujourd’hui, que l’adoption du système cellulaire allait rendre fort difficile de graduer la peine de l’emprisonnement autrement que par la durée.

La majorité, qui persistait à ne vouloir accorder aucun droit aux condamnés sur le produit de leur travail, et qui cependant trouvait utile d’établir dans la loi, quant au salaire, une gradation analogue à celle du code pénal, après avoir adopté l’article du projet, y a ajouté une disposition, d’après laquelle l’administration ne peut accorder aux condamnés aux travaux forcés plus des 3/10° du produit de leur travail, aux condamnés à la réclusion plus des 4/10° et aux condamnés à l’emprisonnement plus des 5/10°. Cette disposition forme, avec les deux premiers paragraphes détachés de l’art. 23, l’art.’24 du projet amendé par la Commission. La Commission ayant examiné, approuvé, et, suivant son opinion, amélioré dans quelques détails le système d’emprisonnement que le projet de loi indique, plusieurs questions très difficiles et très-graves lui restaient encore à résoudre. La première était de savoir dans quelles prisons le nouveau système serait introduit.

Deux membres ont pensé que la suppression des bagnes présenterait quelques dangers.

Une grande partie de l’accroissement des crimes, ont-ils dit, doit être attribuée aux adoucissements peut-être imprudents qu’on a fait subir en 1852 à la loi pénale. Il faut prendre garde d’énerver encore cette loi en faisant disparaître celle des peines qui frappent le plus l’imagination du public.