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Édifiée sur ce premier point, votre commission s’est occupée de rechercher ce qu’il convenait de faire pour rendre la peine de l’emprisonnement plus efficace.

Les prisons, messieurs, sont de plusieurs espèces. Mais toutes les espèces de prisons se classent dans l’une des deux catégories suivantes :

1o Prisons où sont placés les prévenus ou accusés ;

2o Prisons qui renferment les condamnés.

La commission, comme le projet de loi, s’est d’abord occupée des maisons destinées à contenir les prévenus et accusés. Ces maisons forment une catégorie absolument séparée, puisqu’elles n’ont pour objet, comme les prisons proprement dites, ni d’effrayer ni de moraliser les détenus qu’elles contiennent, mais seulement de les garder sous la main de la justice.

Les écrivains qui ont traité jusqu’ici de la réforme des prisons sont restés fort divisés sur la question de savoir à quel régime il fallait soumettre les condamnés. Mais tous ont fini par tomber d’accord qu’il convenait d’isoler les prévenus les uns des autres, et de les empêcher, d’une manière absolue, de communiquer ensemble. Tous les hommes qui, en France et ailleurs, se sont occupés pratiquement de la question, sont arrivés à une conclusion semblable. Ils ont jugé qu’il y avait très-peu d’inconvénients, et beaucoup d’avantages à empêcher toute communication quelconque de prévenu à prévenu.

Des pays mêmes qui s’étaient prononcés contre l’emprisonnement séparé, quant aux condamnés, l’ont adopté lorsqu’il s’agissait des détenus avant jugement. C’est ainsi que, dans l’État de New— York, où le système d’Auburn a pris naissance, à Boston, où on le préconise, à Genève, où on l’a adopté en partie, des maisons cellulaires pour les accusés sont construites ou vont l’être. Le projet de loi actuel, comme celui de 1840, a reproduit cette idée. C’est aussi celle à laquelle la commission, après un mûr examen, s’est arrêtée.

Elle a pensé que s’il était un cas où le droit de la société pût aller jusqu’à séparer les détenus les uns des autres, c’était assurément celui où il s’agissait non plus d’empêcher des coupables de se corrompre davantage, mais de s’opposer à ce que des hommes honnêtes ne devinssent, malgré eux, corrompus par le contact impur des cri-