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cachait point qu’elle considérait cet événement comme prochain et nécessaire, et que toutes les mesures qu’elle proposait avaient pour but d’y préparer. La chambre ayant été dissoute, le rapport ne fut pas discuté.

En 1839, la question fut reprise sur une proposition semblable de M. de Tracy. Une nouvelle commission, dans laquelle se trouvait M. Barrot, fut nommée. La commission de 1839, dont M. de Tocqueville était le rapporteur, suivant la même voie qu’avait ouverte la commission précédente, mais tirant des principes posés par elle une conséquence plus rigoureuse, conclut à l’abolition de l’esclavage et proposa un plan pour y parvenir.

Ce rapport de 1839 ne parvint, pas plus que l’autre, à discussion, le ministère, par la bouche de M. Thiers, étant venu déclarer à la tribune qu’il entrait dans les vues de la commission, et qu’il allait s’occuper de préparer lui-même un plan d’abolition. Il réunit en effet un certain nombre de pairs, de députés, d’amiraux et d’anciens gouverneurs des colonies, pour procéder à ce travail préliminaire. M. le duc de Broglie fut leur président et leur rapporteur.

Après plusieurs années de recherches et de travaux, dont de volumineux procès-verbaux, récemment publiés, portent la trace, cette commission a publié, il y a six mois, son rapport. Par son étendue, et bien plus encore par la manière dont le sujet y est traité, ce rapport doit être mis à part de tous les documents de la même espèce. C’est un livre, et un beau livre qui restera et fera époque dans l’histoire de la grande révolution qu’il raconte et prépare.

Nous avons souvent eu l’occasion de combattre les actes de M. le duc de Broglie. Mais la haute estime que nous avons toujours professée pour ses talents et pour son caractère nous fait saisir avec plaisir toutes les occasions de lui rendre justice. M. le duc de Broglie réunissait mieux que personne, nous le reconnaissons volontiers, les conditions nécessaires pour exceller dans le travail dont la commission l’avait chargé : une connaissance pratique des grandes affaires du gouvernement, et l’habitude ainsi que le goût des études philosophiques ; un amour vrai de l’humanité, éclairé par l’expérience politique des hommes, et enfin du loisir. La commission dont M. le duc de Broglie a été l’organe, reconnaissant que l’incertitude au milieu de laquelle vivent, depuis plusieurs années, les colons, les esclaves et la métropole, ne peut se prolonger plus longtemps