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le sol en était beaucoup trop haut. Le vaisseau qui les quittait pour entrer dans la mer, ne plongeant pas assez profondément dans l’eau au moment où il atteignait l’extrémité du plan incliné, courait risque de se renverser sur le côté ou de se rompre. On dut employer beaucoup de temps, de peine et d’argent pour baisser le sol de granit dont ces cales avaient été formées, et pour aller, sous l’eau, donner au plan incliné la pente convenable. La forme sèche de visite qui accède vers l’avant-port, la seule qui existe jusqu’à présente Cherbourg, a également été placée trop haut, il faut que la mer s’élève d’une manière exceptionnelle pour que les grands bâtiments, en vue desquels cependant elle est faite, puissent y entrer. Un vaisseau de haut bord tout armé ne saurait guère y pénétrer qu’un seul jour dans le cours de l’année. Cette forme, magnifiquement construite en granit, n’a pas coûté moins de neuf cent mille francs. La faute la plus grave a été commise à l’entrée du passage qui mène de l’avant-port dans le premier bassin. Ce passage devait être fermé facultativement à marée baissante par une porte éclusée. Afin de ne pas donner à cette porte une hauteur trop grande, on n’avait creusé le passage qu’à deux mètres soixante centimètres (environ huit pieds) au-dessous du niveau de la plus basse mer. Il en résultait que les frégates seules pouvaient, pendant toute l’année, aller à toute haute mer, de l’avant-port dans le bassin. Un vaisseau armé décent vingt canons ne l’aurait pu que pendant cent quarante-deux marées. Il fallut également, de 1829 à 1852, à l’aide de procédés très-ingénieux et très-coûteux, baisser le radier d’un mètre soixante centimètres (près de cinq pieds), ce qui ne put se faire que sous l’eau, à l’aide de cloches à plongeur. Cette écluse a seule coûté près d’un million (neuf cent trente-deux mille quarante francs). Restait à creuser l’arrière-bassin que la Commission de 1792 avait indiqué seulement comme une des éventualités de l’avenir, et dont l’Empire lui-même n’avait pas osé ordonner l’exé-