Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

digue, comme l’avait voulu l’Empereur, mais pour élever la digue tout entière au-dessus du niveau des plus hautes mers, ainsi que la commission de 1792 n’avait pas craint de le proposer. M. Cachin était mort en 1825. La direction des travaux du port de Cherbourg était alors confiée à M. Fouques-Duparc. M. Fouques-Duparc était attaché comme ingénieur au port de Cherbourg depuis 1806. Employé pendant longtemps en Italie, où les Romains ont souvent pris plaisir à lutter contre la mer, et nous ont laissé, en fait de travaux hydrauliques, de très-grands et très-utiles exemples, M. Fouques-Duparc avait étudié avec un soin particulier cette partie de son art ; c’était d’ailleurs un ingénieur très-habile, mais qui, à une intelligence vigoureuse, joignait, ce qui n’est pas rare, un caractère un peu faible. On ne saurait douter que M. Fouques-Duparc n’ait aperçu du premier coup d’œil le vice des idées de M. Cachin. Il eut le tort de ne le point signaler à l’Empereur, et d’être l’agent ou, pour mieux dire, le complice d’un système qui devait entraver l’État dans de si grandes dépenses et retarder de trente ans l’achèvement des travaux.

Lorsque, devenu chef de service, M. Fouques-Duparc fut consulté, en 1828, par le gouvernement sur le meilleur procédé à suivre afin d’élever et de construire la digue au-dessus des plus hautes mers, il indiqua sur-le-champ, dans un excellent Mémoire, tout ce qu’il fallait faire pour réussir. Il y apprit ou plutôt il y résuma avec clarté ce que l’expérience avait déjà découvert à ceux qui avaient suivi le cours des travaux. Il fournit enfin le mot de l’énigme qu’on cherchait depuis quarante ans. M. Fouques-Duparc a d’abord soin d’établir qu’en continuant à se servir de blocs, on n’obtiendra qu’un sol mouvant et qu’un résultat sans durée ; s’appuyant sur des expériences certaines, il calcule que la force de la lame poussée sur la digue par la marée et le vent, y équivaut à la pression de trois mille kilogrammes par mètre carré, ce qui suffit pour remuer les plus grosses pierres qu’on eût encore