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serait encore impuissant à se faire obéir, faute d'action directe et immédiate sur les citoyens. Cette cause de faiblesse est plus féconde à elle seule que toutes les autres ensemble ; mais, pour qu'elle soit bien comprise, il faut faire plus que de l'indiquer.

Un gouvernement fédéral peut avoir une sphère d'action assez limitée et être fort ; si dans cette sphère étroite il peut agir par lui-même, sans intermédiaire, comme le font les gouvernements ordinaires dans la sphère illimitée où ils se meuvent ; s'il a ses fonctionnaires qui s'adressent directement à chaque citoyen, ses tribunaux qui forcent chaque citoyen de se soumettre à ses lois ; il se fait obéir aisément, parce qu'il n'a jamais que des résistances individuelles à craindre, et que toutes les difficultés qu'on lui suscite se terminent par des procès.

Un gouvernement fédéral peut au contraire avoir une sphère d'action très-vaste et ne jouir que d'une autorité très-faible et très-précaire, si, au lieu de s'adresser individuellement aux citoyens, il est obligé de s'adresser aux gouvernements cantonaux ; car si ceux-ci résistent, le pouvoir fédéral trouve aussitôt en face de lui moins un sujet qu'un rival, dont il ne peut avoir raison que par la guerre.

La puissance d'un gouvernement fédéral réside donc bien moins dans l'étendue des droits qu'on lui confère, que dans la faculté plus ou moins grande qu'on lui laisse de les exercer par lui-même : il est toujours fort quand il peut commander aux citoyens ; il est toujours faible quand il est réduit à ne