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celle-ci exclusivement possédée par l'aristocratie de naissance ; la classe moyenne exclue des affaires ; le peuple entier privé de la vie politique : tel est le spectacle que présente la Suisse dans presque toutes ses parties jusqu'en 1830.

C'est alors que s'ouvrit pour elle l'ère nouvelle de la démocratie !

Ce court exposé a eu pour but de bien faire comprendre deux choses :

La première, que la Suisse est un des pays de l'Europe où la révolution avait été la moins profonde, et la restauration qui la suivit la plus complète. De telle sorte que les institutions étrangères ou hostiles à l'esprit nouveau, y ayant conservé ou repris beaucoup d'empire, l'impulsion révolutionnaire dut s'y conserver plus grande.

La seconde, que dans la plus grande partie de la Suisse, le peuple, jusqu'à nos jours, n'avait jamais pris la moindre part au gouvernement ; que les formes judiciaires qui garantissent la liberté civile, la liberté d'association, la liberté de parole, la liberté de la presse, la liberté religieuse, avaient toujours été aussi, et je pourrais presque dire, plus inconnues à la grande majorité de ces citoyens des républiques, qu'elles pouvaient l'être, à la même époque, aux sujets de la plupart des monarchies.

Voilà ce que M. Cherbuliez perd souvent de vue, mais ce qui doit être sans cesse présent à notre pensée, dans l'examen que nous allons faire avec soin des institutions que la Suisse s'est données.

Tout le monde sait qu'en Suisse la souveraineté est divisée