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Comme cette classe aristocratique se tient immobile au point de grandeur où elle est placée sans se resserrer, ni s’étendre, elle éprouve toujours les mêmes besoins et les ressent de la même manière. Les hommes qui la composent puisent naturellement dans la position supérieure et héréditaire qu’ils occupent, le goût de ce qui est très-bien fait et très-durable.

Cela donne une tournure générale aux idées de la nation en fait d’arts.

Il arrive souvent que, chez ces peuples, le paysan lui-même aime mieux se priver entièrement des objets qu’il convoite, que de les acquérir imparfaits.

Dans les aristocraties les ouvriers ne travaillent donc que pour un nombre limité d’acheteurs, très-difficiles à satisfaire. C’est de la perfection de leurs travaux que dépend principalement le gain qu’ils attendent.

Il n’en est plus ainsi lorsque tous les priviléges étant détruits, les rangs se mêlent, et que tous les hommes s’abaissent et s’élèvent sans cesse sur l’échelle sociale.

On rencontre toujours dans le sein d’un peuple démocratique, une foule de citoyens dont le patrimoine se divise et décroît. Ils ont contracté, dans des temps meilleurs, certains besoins qui leur restent, après que la faculté de les satisfaire n’existe plus, et ils cherchent avec inquiétude s’il n’y aurait pas quelques moyens détournés d’y pourvoir.

D’autre part, on voit toujours dans les démocraties un très-grand nombre d’hommes dont la fortune croît, mais dont les désirs croissent bien plus vite que la for-