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la puissance sociale qu’on ne le ferait pour un particulier.

Les souverains ont d’autant plus de pente à agir ainsi que leurs goûts les y convient. Chez les peuples démocratiques, il n’y a que par l’association que la résistance des citoyens au pouvoir central puisse se produire ; aussi ce dernier ne voit-il jamais qu’avec défaveur les associations qui ne sont pas sous sa main ; et ce qui est fort digne de remarque, c’est que chez ces peuples démocratiques, les citoyens envisagent souvent ces mêmes associations, dont ils ont tant besoin, avec un sentiment secret de crainte et de jalousie, qui les empêche de les défendre. La puissance et la durée de ces petites sociétés particulières, au milieu de la faiblesse et de l’instabilité générale, les étonnent et les inquiètent, et ils ne sont pas éloignés de considérer comme de dangereux priviléges le libre emploi que fait chacune d’elles de ses facultés naturelles.

Toutes ces associations qui naissent de nos jours sont d’ailleurs autant de personnes nouvelles, dont le temps n’a pas consacré les droits, et qui entrent dans le monde à une époque où l’idée des droits particuliers est faible, et où le pouvoir social est sans limites ; il n’est pas surprenant qu’elles perdent leur liberté en naissant.

Chez tous les peuples de l’Europe, il y a certaines associations qui ne peuvent se former qu’après que l’État a examiné leurs statuts, et autorisé leur existence. Chez plusieurs, on fait des efforts pour étendre à toutes les