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donc naître, chaque jour, un nombre infini de petits capitaux, fruits lents et successifs du travail ; ils s’accroissent sans cesse. Mais le plus grand nombre resteraient improductifs, s’ils demeuraient épars. Cela a donné naissance à une institution philanthropique qui deviendra bientôt, si je ne me trompe, une de nos plus grandes institutions politiques. Des hommes charitables ont conçu la pensée de recueillir l’épargne du pauvre et d’en utiliser le produit. Dans quelques pays, ces associations bienfaisantes sont restées entièrement distinctes de l’État ; mais, dans presque tous, elles tendent visiblement à se confondre avec lui, et il y en a même quelques unes où le gouvernement les a remplacées, et où il a entrepris la tâche immense de centraliser dans un seul lieu, et de faire valoir par ses seules mains l’épargne journalière de plusieurs millions de travailleurs.

Ainsi, l’État attire à lui l’argent des riches par l’emprunt, et par les caisses d’épargne il dispose à son gré des deniers du pauvre. Près de lui et dans ses mains, les richesses du pays accourent sans cesse ; elles s’y accumulent d’autant plus que l’égalité des conditions devient plus grande ; car, chez une nation démocratique, il n’y a que l’État qui inspire de la confiance aux particuliers, parce qu’il n’y a que lui seul qui leur paraisse avoir quelque force et quelque durée[1].

  1. D’une part, le goût du bien-être augmente sans cesse, et le gouvernement s’empare, de plus en plus, de toutes les sources du bien-être.
    Les hommes vont donc par deux chemins divers vers la servitude. Le goût du bien-être les détourne de se mêler du gouvernement, et l’amour