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CHAPITRE XXII


POURQUOI LES PEUPLES DÉMOCRATIQUES DÉSIRENT NATURELLEMENT LA PAIX ET LES ARMÉES DÉMOCRATIQUES NATURELLEMENT LA GUERRE.


Les mêmes intérêts, les mêmes craintes, les mêmes passions qui écartent les peuples démocratiques des révolutions les éloignent de la guerre : l’esprit militaire et l’esprit révolutionnaire s’affaiblissent en même temps et par les mêmes causes.

Le nombre toujours croissant des propriétaires amis de la paix, le développement de la richesse mobilière que la guerre dévore si rapidement, cette mansuétude des mœurs, cette mollesse de cœur, cette disposition à la pitié que l’égalité inspire, cette froideur de raison qui rend peu sensible aux poétiques et violentes émotions qui naissent parmi les armes, toutes ces causes s’unissent pour éteindre l’esprit militaire.

Je crois qu’on peut admettre comme règle générale et constante que, chez les peuples civilisés, les passions guerrières deviendront plus rares et moins vives, à mesure que les conditions seront plus égales.