Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/429

Cette page n’a pas encore été corrigée

petites minorités qui désirent les révolutions ; mais les minorités peuvent quelquefois les faire.

Je ne dis donc point que les nations démocratiques soient à l'abri des révolutions, je dis seulement que l'état social de ces nations ne les y porte pas, mais plutôt les en éloigne. Les peuples démocratiques, livrés à eux-mêmes, ne s'engagent point aisément dans les grandes aventures ; ils ne sont entraînés vers les révolutions qu'à leur insu ; ils les subissent quelquefois ; mais ils ne les font pas. Et j'ajoute que quand on leur a permis d'acquérir des lumières et de l'expérience, ils ne les laissent pas faire.

Je sais bien qu'en cette matière les institutions publiques elles-mêmes peuvent beaucoup ; elles favorisent ou contraignent les instincts qui naissent de l'état social. Je ne soutiens donc pas, je le répète, qu'un peuple soit à l'abri des révolutions par cela seul que, dans son sein, les conditions sont égales ; mais je crois que, quelles que soient les institutions d'un pareil peuple, les grandes révolutions y seront toujours infiniment moins violentes et plus rares qu'on ne le suppose ; et j'entrevois aisément tel état politique qui, venant à se combiner avec l'égalité, rendrait la société plus stationnaire qu'elle ne l'a jamais été dans notre occident.

Ce que je viens de dire des faits s'applique en partie aux idées.

Deux choses étonnent aux États-Unis ; la grande mobilité de la plupart des actions humaines, et la fixité singulière de certains principes. Les hommes remuent sans