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l’amour qui les liaient jadis ont disparu. On n’en trouve point la trace.

Mais il n’en est pas ainsi des sentiments naturels à l’espèce humaine. Il est rare que la loi, en s’efforçant de plier ceux-ci d’une certaine manière, ne les énerve ; qu’en voulant y ajouter, elle ne leur ôte point quelque chose, et qu’ils ne soient pas toujours plus forts, livrés à eux-mêmes.

La démocratie qui détruit ou obscurcit presque toutes les anciennes conventions sociales, et qui empêche que les hommes ne s’arrêtent aisément à de nouvelles, fait disparaître entièrement la plupart des sentiments qui naissent de ces conventions. Mais elle ne fait que modifier les autres, et souvent elle leur donne une énergie et une douceur qu’ils n’avaient pas.

Je pense qu’il n’est pas impossible de renfermer dans une seule phrase tout le sens de ce chapitre et de plusieurs autres qui le précèdent. La démocratie détend les liens sociaux, mais elle resserre les liens naturels. Elle rapproche les parents dans le même temps qu’elle sépare les citoyens.