Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE III


POURQUOI LES AMÉRICAINS MONTRENT PLUS D’APTITUDE ET DE GOÛT POUR LES IDÉES GÉNÉRALES QUE LEURS PÈRES LES ANGLAIS.


Dieu ne songe point au genre humain, en général. Il voit d’un seul coup d’œil et séparément tous les êtres dont l’humanité se compose, et il aperçoit chacun d’eux avec les ressemblances qui le rapprochent de tous et les différences qui l’en isolent.

Dieu n’a donc pas besoin d’idées générales ; c’est-à-dire qu’il ne sent jamais la nécessité de renfermer un très-grand nombre d’objets analogues sous une même forme afin d’y penser plus commodément.

Il n’en est point ainsi de l’homme. Si l’esprit humain entreprenait d’examiner et de juger individuellement tous les cas particuliers qui le frappent, il se perdrait bientôt au milieu de l’immensité des détails et ne verrait plus rien ; dans cette extrémité, il a recours à un procédé imparfait mais nécessaire, qui aide sa faiblesse et qui la prouve.

Après avoir considéré superficiellement un certain nombre d’objets et remarqué qu’ils se ressemblent, il