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couvrent, quoi qu’ils en aient, que le désir de vivre se mêle chez eux au désir d’illustrer leur vie.

Du moment où, d’une part, le travail semble à tous les citoyens une nécessité honorable de la condition humaine, et où, de l’autre, le travail est toujours visiblement fait, en tout ou en partie, par la considération du salaire, l’immense espace qui séparait les différentes professions dans les sociétés aristocratiques disparaît. Si elles ne sont pas toutes pareilles, elles ont du moins un trait semblable.

Il n’y a pas de profession où l’on ne travaille pas pour de l’argent. Le salaire qui est commun à toutes, donne à toutes un air de famille.

Ceci sert à expliquer les opinions que les Américains entretiennent relativement aux diverses professions.

Les serviteurs américains ne se croient pas dégradés parce qu’ils travaillent ; car autour d’eux tout le monde travaille. Ils ne se sentent pas abaissés par l’idée qu’ils reçoivent un salaire ; car le président des États-Unis travaille aussi pour un salaire. On le paie pour commander, aussi bien qu’eux pour servir.

Aux États-Unis, les professions sont plus ou moins pénibles, plus ou moins lucratives, mais elles ne sont jamais ni hautes ni basses. Toute profession honnête est honorable.