Je n’ai pas rencontré, en Amérique, de si pauvre citoyen qui ne jetât un regard d’espérance et d’envie sur les jouissances des riches, et dont l’imagination ne se saisît à l’avance des biens que le sort s’obstinait à lui refuser.
D’un autre côté, je n’ai jamais aperçu chez les riches des États-Unis ce superbe dédain pour le bien-être matériel qui se montre quelquefois jusque dans le sein des aristocraties les plus opulentes et les plus dissolues.
La plupart de ces riches ont été pauvres ; ils ont senti l’aiguillon du besoin ; ils ont longtemps combattu une fortune ennemie, et, maintenant que la victoire est remportée, les passions qui ont accompagné la lutte lui survivent ; ils restent comme enivrés au milieu de ces petites jouissances qu’ils ont poursuivies quarante ans.
Ce n’est pas qu’aux États-Unis, comme ailleurs, il ne se rencontre un assez grand nombre de riches qui, tenant leurs biens par héritage, possèdent sans efforts une opulence qu’ils n’ont point acquise. Mais ceux-ci même ne se montrent pas moins attachés aux jouissances de la vie matérielle. L’amour du bien-être est devenu le goût national et dominant ; le grand courant des passions humaines porte de ce côté, il entraîne tout dans son cours.