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Pour que chez un peuple démocratique une association ait quelque puissance, il faut qu’elle soit nombreuse. Ceux qui la composent sont donc disséminés sur un grand espace, et chacun d’entre eux est retenu dans le lieu qu’il habite par la médiocrité de sa fortune et par la multitude des petits soins qu’elle exige. Il leur faut trouver un moyen de se parler tous les jours sans se voir, et de marcher d’accord sans s’être réunis. Ainsi il n’y a guère d’association démocratique qui puisse se passer d’un journal.

Il existe donc un rapport nécessaire entre les associations et les journaux : les journaux font les associations, et les associations font les journaux ; et, s’il a été vrai de dire que les associations doivent se multiplier à mesure que les conditions s’égalisent, il n’est pas moins certain que le nombre des journaux s’accroît à mesure que les associations se multiplient.

Aussi, l’Amérique est-elle le pays du monde où l’on rencontre à la fois le plus d’associations et le plus de journaux.

Cette relation entre le nombre des journaux et celui des associations, nous conduit à en découvrir une autre entre l’état de la presse périodique et la forme de l’administration du pays, et nous apprend que le nombre des journaux doit diminuer ou croître chez un peuple démocratique, à proportion que la centralisation administrative est plus ou moins grande. Car, chez les peuples démocratiques, on ne saurait confier l’exercice des pouvoirs locaux aux principaux citoyens comme dans