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États-Unis, et les droits politiques dont ils font tant d’usage, rappellent sans cesse, et de mille manières, à chaque citoyen qu’il vit en société. Elles ramènent à tous moments son esprit vers cette idée, que le devoir aussi bien que l’intérêt des hommes est de se rendre utiles à leurs semblables ; et comme il ne voit aucun sujet particulier de les haïr, puisqu’il n’est jamais ni leur esclave ni leur maître, son cœur penche aisément du côté de la bienveillance. On s’occupe d’abord de l’intérêt général par nécessité, et puis par choix ; ce qui était calcul devient instinct ; et, à force de travailler au bien de ses concitoyens, on prend enfin l’habitude et le goût de les servir.

Beaucoup de gens en France considèrent l’égalité des conditions comme un premier mal, et la liberté politique comme un second. Quand ils sont obligés de subir l’une, ils s’efforcent du moins d’échapper à l’autre. Et moi je dis que, pour combattre les maux que l’égalité peut produire, il n’y a qu’un remède efficace : c’est la liberté politique.