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mettant avec courage à les entendre. Ils s’y résignent comme au mal que l’expérience leur a fait reconnaître inévitable.

Nous avons montré le petit côté des discussions politiques dans les démocraties ; faisons voir le grand.

Ce qui s’est passé depuis cent cinquante ans dans le parlement d’Angleterre n’a jamais eu un grand retentissement au dehors ; les idées et les sentiments exprimés par les orateurs ont toujours trouvé peu de sympathie chez les peuples même qui se trouvaient placés le plus près du grand théâtre de la liberté britannique. Tandis que, dès les premiers débats qui ont eu lieu dans les petites assemblées coloniales d’Amérique à l’époque de la révolution, l’Europe fut émue.

Cela n’a pas tenu seulement à des circonstances particulières et fortuites, mais à des causes générales et durables.

Je ne vois rien de plus admirable ni de plus puissant qu’un grand orateur discutant de grandes affaires, dans le sein d’une assemblée démocratique. Comme il n’y a jamais de classe qui y ait ses représentants chargés de soutenir ses intérêts, c’est toujours à la nation tout entière, et au nom de la nation tout entière qu’on parle. Cela agrandit la pensée et relève le langage.

Comme les précédents y ont peu d’empire ; qu’il n’y a plus de priviléges attachés à certains biens, ni de droits inhérents à certains corps ou à certains hommes, l’esprit est obligé de remonter jusqu’à des vérités générales puisées dans la nature humaine pour traiter