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L’extrême régularité d’habitude et la grande rigidité de mœurs qui se voient aux États-Unis, ont d’ailleurs été jusqu’à présent peu favorables au développement de l’art théâtral.

Il n’y a point de sujets de drames dans un pays qui n’a pas été témoin de grandes catastrophes politiques, et où l’amour mène toujours par un chemin direct et facile au mariage. Des gens qui emploient tous les jours de la semaine à faire fortune, et le dimanche à prier Dieu, ne prêtent point à la muse comique.

Un seul fait suffit pour montrer que le théâtre est peu populaire aux États-Unis.

Les Américains, dont les lois autorisent la liberté et même la licence de la parole en toutes choses, ont néanmoins soumis les auteurs dramatiques à une sorte de censure. Les représentations théâtrales ne peuvent avoir lieu que quand les administrateurs de la commune les permettent. Ceci montre bien que les peuples sont comme les individus. Ils se livrent sans ménagement à leurs passions principales, et ensuite ils prennent bien garde de ne point trop céder à l’entraînement des goûts qu’ils n’ont pas.

Il n’y a point de portion de la littérature qui se rattache par des liens plus étroits et plus nombreux à l’état actuel de la société que le théâtre.

Le théâtre d’une époque ne saurait jamais convenir à l’époque suivante, si, entre les deux, une importante révolution a changé les mœurs et les lois.

On étudie encore les grands écrivains d’un autre