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ne se sent pas plus lié à une méthode ancienne qu’à une nouvelle ; il ne s’est créé aucune habitude, et il se soustrait aisément à l’empire que les habitudes étrangères pourraient exercer sur son esprit, car il sait que son pays ne ressemble à aucun autre, et que sa situation est nouvelle dans le monde.

L’Américain habite une terre de prodiges, autour de lui tout se remue sans cesse, et chaque mouvement semble un progrès. L’idée du nouveau se lie donc intimement dans son esprit à l’idée du mieux. Nulle part il n’aperçoit la borne que la nature peut avoir mise aux efforts de l’homme ; à ses yeux, ce qui n’est pas est ce qui n’a point encore été tenté.

Ce mouvement universel qui règne aux États-Unis, ces retours fréquents de la fortune, ce déplacement imprévu des richesses publiques et privées, tout se réunit pour entretenir l’âme dans une sorte d’agitation fébrile qui la dispose admirablement à tous les efforts, et la maintient pour ainsi dire au-dessus du niveau commun de l’humanité. Pour un Américain, la vie entière se passe comme une partie de jeu, un temps de révolution, un jour de bataille.

Ces mêmes causes opérant en même temps sur tous les individus finissent par imprimer une impulsion irrésistible au caractère national. L’Américain pris au hasard doit donc être un homme ardent dans ses désirs, entreprenant, aventureux, surtout novateur. Cet esprit se retrouve, en effet, dans toutes ses œuvres ; il l’introduit dans ses lois politiques, dans ses doctrines reli-