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gagner sa faveur, le général Jackson se relève ; il marche alors vers les objets qu’elle poursuit elle-même, ou ceux qu’elle ne voit pas d’un œil jaloux, en renversant devant lui tous les obstacles. Fort d’un appui que n’avaient point ses prédécesseurs, il foule aux pieds ses ennemis personnels partout où il les trouve, avec une facilité qu’aucun président n’a rencontrée ; il prend sous sa responsabilité des mesures que nul n’aurait jamais avant lui osé prendre ; il lui arrive même de traiter la représentation nationale avec une sorte de dédain presque insultant ; il refuse de sanctionner les lois du Congrès, et souvent omet de répondre à ce grand corps. C’est un favori qui parfois rudoie son maître. Le pouvoir du général Jackson augmente donc sans cesse ; mais celui du Président diminue. Dans ses mains, le gouvernement fédéral est fort ; il passera énervé à son successeur.

Ou je me trompe étrangement, ou le gouvernement fédéral des États-Unis tend chaque jour à s’affaiblir ; il se retire successivement des affaires, il resserre de plus en plus le cercle de son action. Naturellement faible, il abandonne même les apparences de la force. D’une autre part, j’ai cru voir qu’aux États-Unis le sentiment de l’indépendance devenait de plus en plus vif dans les États, l’amour du gouvernement provincial de plus en plus prononcé.

On veut l’Union ; mais réduite à une ombre : on la veut forte en certains cas et faible dans tous les autres ; on prétend qu’en temps de guerre elle puisse réunir dans ses mains les forces nationales et toutes les ressources