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Toute la doctrine de la nullification se trouve résumée dans une phrase prononcée en 1833 devant le sénat des États-Unis par M. Calhoun, le chef avoué des nullificateurs du Sud :

« La Constitution, dit-il, est un contrat dans lequel les États ont paru comme souverains. Or, toutes les fois qu’il intervient un contrat entre des parties qui ne connaissent point de commun arbitre, chacune d’elles retient le droit de juger par elle-même l’étendue de son obligation. »

Il est manifeste qu’une pareille doctrine détruit en principe le lien fédéral et ramène en fait l’anarchie, dont la Constitution de 1789 avait délivré les Américains.

Lorsque la Caroline du Sud vit que le Congrès se montrait sourd à ses plaintes, elle menaça d’appliquer à la loi fédérale du tarif la doctrine des nullificateurs. Le Congrès persista dans son système ; enfin l’orage éclata.

Dans le courant de 1832, le peuple de la Caroline du Sud[1] nomma une convention nationale pour aviser aux moyens extraordinaires qui restaient à prendre ; et le 24 novembre de la même année, cette convention publia, sous le nom d’ordonnance, une loi qui frappait de nullité la loi fédérale du tarif, défendait de prélever

  1. C’est-à-dire une majorité du peuple ; car le parti opposé, nommé Union Party, compta toujours une très forte et très active minorité en sa faveur. La Caroline peut avoir environ 47,000 électeurs ; 30,000 étaient favorables à la nullification, et 17,000 contraires.