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États, et tous les corps, quels qu’ils soient, ont un instinct secret qui les porte vers l’indépendance. Cet instinct est plus prononcé encore dans un pays comme l’Amérique, où chaque village forme une sorte de république habituée à se gouverner elle-même.

Il y eut donc effort de la part des États qui se soumirent à la prépondérance fédérale. Et tout effort, fût-il couronné d’un grand succès, ne peut manquer de s’affaiblir avec la cause qui l’a fait naître.

À mesure que le gouvernement fédéral affermissait son pouvoir, l’Amérique reprenait son rang parmi les nations, la paix renaissait sur les frontières, le crédit public se relevait ; à la confusion succédait un ordre fixe et qui permettait à l’industrie individuelle de suivre sa marche naturelle et de se développer en liberté.

Ce fut cette prospérité même qui commença à faire perdre de vue la cause qui l’avait produite ; le péril passé, les Américains ne trouvèrent plus en eux l’énergie et le patriotisme qui avaient aidé à le conjurer. Délivrés des craintes qui les préoccupaient, ils rentrèrent aisément dans le cours de leurs habitudes et s’abandonnèrent sans résistance à la tendance ordinaire de leurs penchants. Du moment où un gouvernement fort ne parut plus nécessaire, on recommença à penser qu’il était gênant. Tout prospérait avec l’Union, et l’on ne se détacha point de l’Union ; mais on voulut sentir à peine l’action du pouvoir qui la représentait. En général, on désira rester uni, et dans chaque fait particulier on tendit à redevenir indépendant. Le principe de la confédération fut chaque