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Dans les États méridionaux, les plus pressants besoins de l’homme sont toujours satisfaits. Ainsi l’Américain du Sud n’est point préoccupé par les soins matériels de la vie ; un autre se charge d’y songer pour lui. Libre sur ce point, son imagination se dirige vers d’autres objets plus grands et moins exactement définis. L’Américain du Sud aime la grandeur, le luxe, la gloire, le bruit, les plaisirs, l’oisiveté surtout ; rien ne le contraint à faire des efforts pour vivre, et comme il n’a pas de travaux nécessaires, il s’endort et n’en entreprend même pas d’utiles.

L’égalité des fortunes régnant au Nord, et l’esclavage n’y existant plus, l’homme s’y trouve comme absorbé par ces mêmes soins matériels que le Blanc dédaigne au Sud. Depuis son enfance il s’occupe à combattre la misère, et il apprend à placer l’aisance au-dessus de toutes les jouissances de l’esprit et du cœur. Concentrée dans les petits détails de la vie, son imagination s’éteint, ses idées sont moins nombreuses et moins générales, mais elles deviennent plus pratiques, plus claires et plus précises. Comme il dirige vers l’unique étude du bien-être tous les efforts de son intelligence, il ne tarde pas à y exceller ; il sait admirablement tirer parti de la nature et des hommes pour produire la richesse ; il comprend merveilleusement l’art de faire concourir la société à la prospérité de chacun de ses membres, et à extraire de l’égoïsme individuel le bonheur de tous.

L’homme du Nord n’a pas seulement de l’expérience, mais du savoir ; cependant il ne prise point la