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D’un autre côté, il est presque impossible de découvrir quelle espèce d’intérêt matériel une portion de l’Union aurait, quant à présent, à se séparer des autres.

Lorsqu’on jette les yeux sur une carte des États-Unis et qu’on aperçoit la chaîne des monts Alléghanys, courant du Nord-Est au Sud-Ouest, et parcourant le pays sur une étendue de 400 lieues, on est tenté de croire que le but de la Providence a été d’élever entre le bassin du Mississipi et les côtes de l’océan Atlantique une de ces barrières naturelles qui, s’opposant aux rapports permanents des hommes entre eux, forment comme les limites nécessaires des différents peuples.

Mais la hauteur moyenne des Alleghanys ne dépasse pas 800 mètres[1]. Leurs sommets arrondis et les spacieuses vallées qu’ils renferment dans leurs contours présentent en mille endroits un accès facile. Il y a plus, les principaux fleuves qui viennent verser leurs eaux dans l’océan Atlantique, l’Hudson, la Susquehanna, le Potomac, ont leurs sources au-delà des Alleghanys, sur un plateau ouvert qui borde le bassin du Mississipi. Partis de cette région[2], ils se font jour à travers le rempart qui semblait devoir les rejeter à l’Occident et tracent, au sein des montagnes, des routes naturelles toujours ouvertes à l’homme.

  1. Hauteur moyenne des Alleghanys, suivant Volney (Tableau des États-Unis, p. 33), 700 à 800 mètres ; 5,000 à 6,000 pieds, suivant Darby : la plus grande hauteur des Vosges est de 1,400 mètres au-dessus du niveau de la mer.
  2. Voyez View of the United States, par Darby, pp. 64 et 79.