Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux et au milieu de l’ignominie le pain qui doit le nourrir, tel est à ses yeux l’unique résultat de cette civilisation qu’on lui vante.

Et ce résultat même, il n’est pas toujours sûr de l’obtenir.

Lorsque les Indiens entreprennent d’imiter les Européens leurs voisins, et de cultiver comme ceux-ci la terre, ils se trouvent aussitôt exposés aux effets d’une concurrence très funeste. Le blanc est maître des secrets de l’agriculture. L’Indien débute grossièrement dans un art qu’il ignore. L’un fait croître sans peine de grandes moissons, l’autre n’arrache des fruits à la terre qu’avec mille efforts.

L’Européen est placé au milieu d’une population dont il connaît et partage les besoins.

Le sauvage est isolé au milieu d’un peuple ennemi dont il connaît incomplètement les mœurs, la langue et les lois, et dont pourtant il ne saurait se passer. Ce n’est qu’en échangeant ses produits contre ceux des Blancs qu’il peut trouver l’aisance, car ses compatriotes ne lui sont plus que d’un faible secours.

    y fait, à son insu même, un peinture vivante des préjugés, des passions, des vices, et surtout des misères de ceux au milieu desquels il a vécu.

    M. le vicomte Ernest de Blosseville, auteur d’un excellent ouvrage sur les colonies pénales d’Angleterre, a traduit les Mémoires de Tanner. M. de Blosseville a joint à sa traduction des notes d’un grand intérêt qui permettront au lecteur de comparer les faits racontés par Tanner avec ceux déjà relatés par un grand nombre d’observateur anciens et modernes.

    Tous ceux qui désirent connaître l’état actuel et prévoir la destinée future des races indiennes de l’Amérique du Nord doivent consulter l’ouvrage de M. de Blosseville.