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le plus long usage du gouvernement de la démocratie, et qu’ils ont formé les habitudes et conçu les idées les plus favorables à son maintien. La démocratie y a peu à peu pénétré dans les usages, dans les opinions, dans les formes ; on la retrouve dans tout le détail de la vie sociale comme dans les lois. C’est à l’est que l’instruction littéraire et l’éducation pratique du peuple ont été le plus perfectionnées et que la religion s’est le mieux entremêlée à la liberté. Qu’est-ce que toutes ces habitudes, ces opinions, ces usages, ces croyances, sinon ce que j’ai appelé des mœurs ?

À l’Ouest, au contraire, une partie des mêmes avantages manque encore. Beaucoup d’Américains des États de l’Ouest sont nés dans les bois, et ils mêlent à la civilisation de leurs pères les idées et les coutumes de la vie sauvage. Parmi eux, les passions sont plus violentes, la morale religieuse moins puissante, les idées moins arrêtées. Les hommes n’y exercent aucun contrôle les uns sur les autres, car ils se connaissent à peine. Les nations de l’Ouest montrent donc, jusqu’à un certain point, l’inexpérience et les habitudes déréglées des peuples naissants. Cependant les sociétés, dans l’Ouest, sont formées d’éléments anciens ; mais l’assemblage est nouveau.

Ce sont donc particulièrement les mœurs qui rendent les Américains des États-Unis, seuls entre tous les Américains, capables de supporter l’empire de la démocratie ; et ce sont elles encore qui font que les diverses démocraties anglo-américaines sont plus ou moins réglées et prospères.