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Ce sont, au contraire, les habitudes de la vie publique que les Américains transportent presque toujours dans la vie privée. Chez eux, l’idée du jury se découvre parmi les jeux de l’école, et l’on retrouve les formes parlementaires jusque dans l’ordre d’un banquet.


que les lois servent plus au maintien de la république démocratique aux états-unis que les causes physiques, et les mœurs plus que les lois.

Tous les peuples de l’Amérique ont un état social démocratique. — Cependant les institutions démocratiques ne se soutiennent que chez les Anglo-Américains. — Les Espagnols de l’Amérique du Sud, aussi favorisés par la nature physique que les Anglo-Américains, ne peuvent supporter la république démocratique. — Le Mexique, qui a adopté la Constitution des États-Unis, ne le peut. — Les Anglo-Américains de l’Ouest la supportent avec plus de peine que ceux de l’Est. — Raisons de ces différences.

J’ai dit qu’il fallait attribuer le maintien des institutions démocratiques des États-Unis aux circonstances, aux lois et aux mœurs[1].

La plupart des Européens ne connaissent que la première de ces trois causes, et ils lui donnent une importance prépondérante qu’elle n’a pas.

Il est vrai que les Anglo-Américains ont apporté dans le nouveau monde l’égalité des conditions. Jamais on ne rencontra parmi eux ni roturiers ni nobles ; les préjugés de naissance y ont toujours été aussi inconnus que les préjugés de profession. L’état social se trouvant ainsi

  1. Je rappelle ici au lecteur le sens général dans lequel je prends le mot mœurs ; j’entends par ce mot l’ensemble des dispositions intellectuelles et morales, que les hommes apportent dans l’état de société.