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je suis sûr qu’ils la croient nécessaire au maintien des institutions républicaines. Cette opinion n’appartient pas à une classe de citoyens ou à un parti, mais à la nation entière ; on la retrouve dans tous les rangs.

Aux États-Unis, lorsqu’un homme politique attaque une secte, ce n’est pas une raison pour que les partisans mêmes de cette secte ne le soutiennent pas ; mais s’il attaque toutes les sectes ensemble, chacun le fuit, et il reste seul.

Pendant que j’étais en Amérique, un témoin se présenta aux assises du comté de Chester (État de New York) et déclara qu’il ne croyait pas à l’existence de Dieu et à l’immortalité de l’âme. Le président refusa de recevoir son serment, attendu, dit-il, que le témoin avait détruit d’avance toute la foi qu’on pouvait ajouter à ses paroles[1]. Les journaux rapportèrent le fait sans commentaire.

Les Américains confondent si complètement dans leur esprit le christianisme et la liberté, qu’il est presque impossible de leur faire concevoir l’un sans l’autre ; et ce n’est point chez eux une de ces croyances stériles que le passé lègue au présent, et qui semble moins vivre que végéter au fond de l’âme.

  1. Voici en quels termes le New York Spectator du 23 août 1831 rapporte le fait : « The court of common pleas of Chester county (New York) a few days since rejected a witness who declared his disbelief in the existence of God. The presiding judge remarked that he had not before been aware that there was a man living who did not believe in the existence of God ; that this belief constituted the sanction of all testimony in a court of justice and that he knew of no case in a christian country where a witness had been permitted to testify without such a belief. »