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eux-mêmes au gouvernement. Les catholiques sont en minorité, et ils ont besoin qu’on respecte tous les droits pour être assurés du libre exercice des leurs. Ces deux causes les poussent, à leur insu même, vers des doctrines politiques qu’ils adopteraient peut-être avec moins d’ardeur s’ils étaient riches et prédominants.

Le clergé catholique des États-Unis n’a point essayé de lutter contre cette tendance politique ; il cherche plutôt à la justifier. Les prêtres catholiques d’Amérique ont divisé le monde intellectuel en deux parts : dans l’une, ils ont laissé les dogmes révélés, et ils s’y soumettent sans les discuter ; dans l’autre, ils ont placé la vérité politique, et ils pensent que Dieu l’y a abandonnée aux libres recherches des hommes. Ainsi, les catholiques des États-Unis sont tout à la fois les fidèles les plus soumis et les citoyens les plus indépendants,.

On peut donc dire qu’aux États-Unis il n’y a pas une seule doctrine religieuse qui se montre hostile aux institutions démocratiques et républicaines. Tous les clergés y tiennent le même langage ; les opinions y sont d’accord avec les lois, et il n’y règne pour ainsi dire qu’un seul courant dans l’esprit humain.

J’habitais momentanément l’une des plus grandes villes de l’Union, lorsqu’on m’invita à assister à une réunion politique dont le but était de venir au secours des Polonais, et de leur faire parvenir des armes et de l’argent.

Je trouvai donc deux à trois mille personnes réunies dans une vaste salle qui avait été préparée pour les recevoir.