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dividus qui quittent ainsi la Nouvelle-Angleterre pour aller transporter leurs foyers au désert. On nous a assuré qu’en 1830, parmi les membres du Congrès, il s’en trouvait trente-six qui étaient nés dans le petit État du Connecticut. La population du Connecticut, qui ne forme que la quarante-troisième partie de celle des États-Unis, fournissait donc le huitième de leurs représentants.

L’État de Connecticut n’envoie cependant lui-même que cinq députés au Congrès : les trente et un autres y paraissent comme les représentants des nouveaux États de l’Ouest. Si ces trente et un individus étaient demeurés dans le Connecticut, il est probable qu’au lieu d’être de riches propriétaires, ils seraient restés de petits laboureurs, qu’ils auraient vécu dans l’obscurité sans pouvoir s’ouvrir la carrière politique, et que, loin de devenir des législateurs utiles, ils auraient été de dangereux citoyens.

Ces considérations n’échappent pas plus à l’esprit des Américains qu’au nôtre.

« On ne saurait douter, dit le chancelier Kent dans son Traité sur le droit américain (vol. IV, p. 380), que la division des domaines ne doive produire de grands maux quand elle est portée à l’extrême ; de telle sorte que chaque portion de terre ne puisse plus pourvoir à l’entretien d’une famille ; mais ces inconvénients n’ont jamais été ressentis aux États-Unis, et bien des générations s’écouleront avant qu’on les ressente. L’étendue de notre territoire inhabité, l’abondance des terres qui nous touchent et le courant continuel d’émigrations