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les volontés du législateur continuent à s’exécuter, alors même qu’il s’occupe d’autres objets.

En Amérique, on apporte à certaines améliorations beaucoup plus de zèle et d’activité qu’on ne le fait ailleurs.

En Europe, on emploie à ces mêmes choses une force sociale infiniment moins grande, mais plus continue.

Quelques hommes religieux entreprirent, il y a plusieurs années, d’améliorer l’état des prisons. Le public s’émut à leur voix, et la régénération des criminels devint une œuvre populaire.

De nouvelles prisons s’élevèrent alors. Pour la première fois, l’idée de la réforme du coupable pénétra dans un cachot en même temps que l’idée du châtiment. Mais l’heureuse révolution à laquelle le public s’était associé avec tant d’ardeur, et que les efforts simultanés des citoyens rendaient irrésistible, ne pouvait s’opérer en un moment.

À côté des nouveaux pénitenciers, dont le vœu de la majorité hâtait le développement, les anciennes prisons subsistaient encore et continuaient à renfermer un grand nombre de coupables. Celles-ci semblaient devenir plus insalubres et plus corruptrices à mesure que les nouvelles devenaient plus réformatrices et plus saines. Ce double effet se comprend aisément : la majorité, préoccupée par l’idée de fonder le nouvel établissement, avait oublié celui qui existait déjà. Chacun alors détournant les yeux de l’objet qui n’attirait plus les regards du maître, la surveillance avait cessé. On avait d’abord vu