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que aux États-Unis. Ce ne sont pas les lois qui le font naître, mais le peuple apprend à le produire en faisant la loi.

Lorsque les ennemis de la démocratie prétendent qu’un seul fait mieux ce dont il se charge que le gouvernement de tous, il me semble qu’ils ont raison. Le gouvernement d’un seul, en supposant de part et d’autre égalité de lumières, met plus de suite dans ses entreprises que la multitude ; il montre plus de persévérance, plus d’idée d’ensemble, plus de perfection de détail, un discernement plus juste dans le choix des hommes. Ceux qui nient ces choses n’ont jamais vu de république démocratique, ou n’ont jugé que sur un petit nombre d’exemples. La démocratie, lors même que les circonstances locales et les dispositions du peuple lui permettent de se maintenir, ne présente pas le coup d’œil de la régularité administrative et de l’ordre méthodique dans le gouvernement ; cela est vrai. La liberté démocratique n’exécute pas chacune de ses entreprises avec la même perfection que le despotisme intelligent ; souvent elle les abandonne avant d’en avoir retiré le fruit, ou en hasarde de dangereuses : mais à la longue elle produit plus que lui ; elle fait moins bien chaque chose, mais elle fait plus de choses. Sous son empire, ce n’est pas surtout ce qu’exécute l’administration publique qui est grand, c’est ce qu’on exécute sans elle et en dehors d’elle. La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, mais elle fait ce que le gouvernement