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constant dans la société, en même temps qu’il en trouve un dans le gouvernement.

Cet objet commun, qui, dans les aristocraties, unit les magistrats à l’intérêt d’une partie de leurs contemporains, les identifie encore et les soumet pour ainsi dire à celui des races futures. Ils travaillent pour l’avenir aussi bien que pour le présent. Le magistrat aristocratique est donc poussé tout à la fois vers un même point, par les passions des gouvernés, par les siennes propres, et je pourrais presque dire par les passions de sa postérité.

Comment s’étonner s’il ne résiste point ? Aussi voit-on souvent, dans les aristocraties, l’esprit de classe entraîner ceux mêmes qu’il ne corrompt pas, et faire qu’à leur insu ils accommodent peu à peu la société à leur usage, et la préparent pour leurs descendants.

Je ne sais s’il a jamais existé une aristocratie aussi libérale que celle d’Angleterre, et qui ait, sans interruption, fourni au gouvernement du pays des hommes aussi dignes et aussi éclairés.

Il est cependant facile de reconnaître que dans la législation anglaise le bien du pauvre a fini par être souvent sacrifié à celui du riche, et les droits du plus grand nombre aux privilèges de quelques-uns : aussi l’Angleterre, de nos jours, réunit-elle dans son sein tout ce que la fortune a de plus extrême, et l’on y rencontre des misères qui égalent presque sa puissance et sa gloire.

Aux États-Unis, où les fonctionnaires publics n’ont