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notre commerce, ont jusqu’à présent rendu inutiles tous les efforts qu’on a pu tenter pour lever des sommes considérables. Les différentes législatures ont enfin compris la folie de semblables essais. »

Depuis cette époque, les États-Unis n’ont pas eu une seule guerre sérieuse à soutenir.

Pour juger quels sacrifices savent s’imposer les démocraties, il faut donc attendre le temps où la nation américaine sera obligée de mettre dans les mains de son gouvernement la moitié du revenu des biens, comme l’Angleterre, ou devra jeter à la fois le vingtième de sa population sur les champs de bataille, ainsi que l’a fait la France.

En Amérique, la conscription est inconnue ; on y enrôle les hommes à prix d’argent. Le recrutement forcé est tellement contraire aux idées, et si étranger aux habitudes du peuple des États-Unis, que je doute qu’on osât jamais l’introduire dans les lois. Ce qu’on appelle en France la conscription forme assurément le plus lourd de nos impôts ; mais, sans la conscription, comment pourrions-nous soutenir une grande guerre continentale ?

Les Américains n’ont point adopté chez eux la presse des Anglais. Ils n’ont rien qui ressemble à notre inscription maritime. La marine de l’État, comme la marine marchande, se recrute à l’aide d’engagements volontaires.

Or, il n’est pas facile de concevoir qu’un peuple puisse soutenir une grande guerre maritime sans recou-