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Aux États-Unis, les principales dispositions de la loi anglaise relative aux successions ont été universellement rejetées.

« La première règle que nous suivons en matière de succession, dit M. Kent, est celle-ci : Lorsqu’un homme meurt intestat, son bien passe à ses héritiers en ligne directe ; s’il n’y a qu’un héritier ou une héritière, il ou elle recueille seul toute la succession. S’il existe plusieurs héritiers du même degré, ils partagent également entre eux la succession, sans distinction de sexe. »

Cette règle fut prescrite pour la première fois dans l’État de New-York par un statut du 23 février 1786 (voyez Revised Statutes, vol. III ; Appendice, p. 48) ; elle a été adoptée depuis dans les statuts révisés du même État. Elle prévaut maintenant dans toute l’étendue des États-Unis, avec cette seule exception que dans l’État de Vermont l’héritier mâle prend double portion. Kent’s commentaries, vol. IV, p. 370.

M. Kent, dans le même ouvrage, vol. IV, p. 1-22, fait l’historique de la législation américaine relative aux substitutions. Il en résulte qu’avant la révolution d’Amérique les lois anglaises sur les substitutions formaient le droit commun dans les colonies. Les substitutions proprement dites (Estates’ tail) furent abolies en Virginie dès 1776 (cette abolition eut lieu sur la motion de Jefferson ; voyez Jefferson’s Memoirs), dans l’État de New-York en 1786. La même abolition a eu lieu depuis dans la Caroline du Nord, le Kentucky, le Tennessee, la Géorgie, le Missouri. Dans le Vermont, l’État d’Indiana, d’Illinois, de la Caroline du Sud et de la Louisiane, les substitutions ont toujours été inusitées. Les États qui ont cru devoir conserver la législation anglaise relative aux substitutions, l’ont modifiée de manière à lui ôter ses principaux caractères aristocratiques. « Nos principes généraux en matière de gouvernement, dit M. Kent, tendent à Favoriser la libre circulation de la propriété. »

Ce qui frappe singulièrement le lecteur Français qui étudie la législation américaine relative aux successions, c’est que nos lois sur la même matière sont infiniment plus démocratiques encore que les leurs.

Les lois américaines partagent également les biens du père, mais dans le cas seulement où sa volonté n’est pas connue : « car chaque homme, dit la loi, dans l’État de New-York (Revised Statutes,